Prévu pour 2027, Tes mots dans tes mains est pour l’instant un projet pudique et personnel qui vient incarner un moment charnière de mon long cheminement artistique, à l’heure où collectivement la réconciliation et l’intégration de la diversité sont à l’honneur. Je veux écrire un spectacle pour toute la famille en collaboration avec de jeunes enfants sourds.
Depuis le début de ma recherche, un élément autobiographique influence ma pratique interdisciplinaire, la pratique de l’autofiction qui l’a traversée, le choix d’Helen Keller comme personnage emblématique de mon projet de recherche-création à la maîtrise en 2015 et, sans doute, ma fascination pour les tout-petits. Mon frère cadet est sourd. La question de la « différence culturelle » a donc fait partie du quotidien de toute la famille et modèle encore nos rapports à l’Autre. Mais comme pour tous les humains, ces facteurs n’empêchent ni la maladresse, les mauvaises interprétations, les résumés de discussions bâclées, les incompréhensions, les frustrations et les aprioris culturels qui peuvent survenir quand, par exemple, une tablée entière explose de rire à cause d’une blague qu’il faut traduire au plus vite pour ne pas exclure ou froisser un joueur différent. Mon frère a été éduqué dans l’oralisme sauvage des années 1960, à l’époque où les enseignants attachaient les mains des enfants sourds dans leur dos. Inutile de donner des détails sur l’évolution et la révolte de ces enfants quand ce mode d’intégration a changé et qu’ils ont eu accès à la LSQ (Langue des signes québécoise), qui leur a permis de rejoindre les leurs, de s’approprier leur identité et leur culture propre.